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Du combat au débat –
Critique: «État de piège» à Carouge

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Marie-Pierre Genecand
Samedi 24 novembre 2007
Bang, bang, bang. Dans la petite salle du Théâtre de Carouge, les cœurs se serrent. Par la force du document sonore, Yitzhak Rabin succombe à nouveau aux trois coups de feu tirés sur lui, le 4 novembre 1995, place de l'Hôtel de Ville à Tel-Aviv, après un discours de paix prononcé devant une foule en liesse... Depuis soixante ans, le conflit israélo-palestinien est un vrai gâchis, politique et humain. Un constat qui explose à travers Etat de piège, de Dominique Caillat (LT du 21.11.2007), pièce bouleversante qui conjugue parfaitement émotion et informations. Et montre, dans sa construction même, comment la violence fait sans cesse irruption dans les processus de négociation.

Rendez-vous est pris dans un café de Jérusalem avec Amos et Abdoul, Israélien et Palestinien. Un vacarme, un souffle: l'interview n'aura jamais lieu. Un attentat à la bombe vient d'emporter les deux protagonistes ainsi que dix autres personnes attablées. Traumatisée, Christine, journaliste allemande, les convoquera sous forme de fantômes pour entamer le dialogue malgré tout. Cette entrée en matière d'Etat de piège a deux vertus. Elle montre d'abord le danger de mort qui pèse quotidiennement sur ces deux peuples. Et permet d'investir ensuite les deux revenants de propos glanés depuis dix ans. Car Dominique Caillat, auteur et metteur en scène suisse installée à Berlin, a écrit cette pièce sur la base de dizaines d'interviews réalisées au Proche-Orient. Résultat, une matière très dense, tissée de considérations historiques, politiques, bibliques (on remonte jusqu'à Isaac et Ismaël, fils «ennemis» d'Abraham) ou encore philosophiques (le rôle de la mémoire) et psychologiques. Comme cet amer constat lâché par Amos à Abdoul: «Pendant deux mille ans, la seule tâche des Juifs a consisté à survivre contre vents et marées. Aujourd'hui, nous vous haïssons, parce que nous vous tuons.»

Sous la direction de François Rochaix, Elzbieta Jasinska, Laurent Sandoz et Pierre Dubey proposent un jeu très animé, à la limite de la naïveté. Un choix irritant parfois, mais qui a l'avantage de dédramatiser la situation et de restituer l'effervescence émotionnelle de qui vit sous la menace constante d'une «exécution».

Jusqu'au 16 déc., à la Salle Gérard-Carrat, Théâtre de Carouge, (57, rue Ancienne, Carouge/Genève). Rés. 022/343 43 43. Durée: 1h30.

 

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